La parentalité positive a connu un succès croissant ces dernières années, mais certains parents en sont revenus, déçus et épuisés…
Face à ce constat, Charlotte Uvira s’est attelée à l’écriture de « Parentalité affirmée : et si le capitaine du navire, c’était vous ? « . Son ambition ? Balayer tous les malentendus et accompagner les parents dans la mise en place du seul modèle éducatif permettant un développement sain de l’enfant.
Notre entretien avec Charlotte Uvira
Nous avons eu l’occasion de la rencontrer et de lui poser quelques questions sur son ouvrage.
Bonjour Charlotte, dans votre livre « Parentalité affirmée », vous parlez d’un renouveau pour l’éducation positive. Cela signifie-t-il que cette méthode, qui connaît un succès croissant depuis quelques années a besoin d’être revisitée ? Pensez-vous qu’elle ait pu être mal interprétée par certains parents ?
Aussi populaire soit-elle, la parentalité positive laisse encore sur le carreau des parents et éducateurs qui ne la comprennent pas bien ou la mésinterprètent.
C’est dommage, car, comme je le dis souvent, nous n’avons pas d’autre forme d’éducation disponible. En tout cas, pas d’autre éducation qui puisse permettre un développement sain de l’enfant dans un contexte familial apaisé. C’est pourquoi j’ai voulu revenir sur les points essentiels qui font de la parentalité positive un modèle satisfaisant pour tous, enfants et adultes, autant que j’ai voulu me mettre à l’écoute de ses détracteurs. Leurs arguments sont basés sur des craintes qui sont légitimes et qui doivent être entendues. Nous n’avions certainement pas été assez attentifs à leurs résistances ou bien, nous avions été trop vagues. J’ai voulu apporter de la clarté et des réponses concrètes.
Dans votre ouvrage, vous définissez un modèle de parent, capable de conduire le « navire familial ». Il s’agit du parent PHARE, doté d’une vision et de valeurs à transmettre, un peu comme un chef d’entreprise. Quelles sont ses principales caractéristiques ?
Le terme phare est l’acronyme de 5 attitudes qui rendent le parent plus compétent pour se situer sur le baromètre des approches éducatives ou gérer une difficulté avec son enfant. Positif, Humble, Affirmé, Responsable et Empathique. Cinq ingrédients à injecter dans la relation qui vont lui permettre de progresser, de se faire entendre, d’obtenir plus de coopération et globalement une meilleure entente familiale. Chaque attitude est un pilier incontournable.
Prenons par exemple, l’humilité.
On n’a pas l’habitude d’en parler en parentalité. Pourtant, de nombreux parents disent qu’il trouve la parentalité positive trop culpabilisante. Mais, si je pratique l’humilité, mes fautes sont plus légères et deviennent même constructives. J’accepte que je ne suis pas parfait, je prends acte de mes erreurs, je suis en situation de progresser, et je peux m’excuser pour ensuite chercher des solutions avec mon enfant. Dans cette attitude, je transmets aussi la valeur d’humilité à mon enfant. Il s’agit d’un très bon point de départ pour toutes ses relations. L’humilité est le terreau de la gratitude, de l’indulgence, de la résilience,des forces positives que, la plupart du temps, nous aimerions cultiver dans notre famille.
Vous parlez plutôt de parentalité consciente que de parentalité positive. Pourquoi et quels sont les grands principes de la parentalité consciente ?
L’idée est d’être présent à la relation et d’éviter de porter des œillères qui voudraient nous déconnecter de notre enfant : laisser notre enfant pleurer la nuit sous prétexte d’éducation, ne pas le prendre dans nos bras quand il est en difficulté émotionnelle, décider pour lui s’il a faim ou non… Ces manières de faire sont largement encouragées par la société alors qu’elles nous déconnectent tout autant de nous, de notre instinct, que de notre enfant. Pratiquer une parentalité consciente, c’est donc vivre en bon ami avec nous-même, être conscient de cette intuition qui nous hurle ses bons conseils et que bien souvent nous n’écoutons pas, et utiliser nos erreurs comme des messages – parfois culpabilisants – mais toujours positifs pour rectifier la trajectoire. Alors ce n’est certes pas confortable chaque jour, mais cette conscience nous permet de grandir et de faire grandir nos enfants dans de très bonnes conditions.
On sent chez vous une volonté de réaffirmer l’importance du cadre, comme si il avait été un peu oublié par les parents d’aujourd’hui. Vous proposez d’ailleurs une méthode très structurée pour le mettre en place avec bienveillance, mais fermeté. Pouvez-vous nous en rappeler les grandes étapes ?
Oui, le cadre est absolument nécessaire pour fonctionner ensemble. Comment faire partie d’une communauté si nous ne savons pas ce que nous partageons ensemble ? Quelles sont nos valeurs ? Que pouvons-nous faire , et qu’est-ce qui est interdit ?
Pour que le cadre soit bien posé, les membres de la famille doivent premièrement se demander ce qui est important pour eux. On trouve souvent le respect, l’ordre, la tranquillité, la coopération, l’entraide, la paix. Alors, ils réalisent tout ce qui fait obstacle à la satisfaction de ces besoins. Par exemple, les jeux bruyants et agités font souvent obstacle au besoin de tranquillité. Or, tout le monde a besoin de tranquillité ! Un enfant qui se concentre sur un jeu de construction réalise bien que l’agitation de ses frères le gêne. C’est pourquoi, dans notre cadre familial, on pourra trouver sous « tranquillité » une règle comme : « nous nous déplaçons en marchant et nous surveillons le volume de notre voix ».
À la fin, les familles peuvent avoir 5 à 10 règles qui expriment la pratique de valeurs et besoin qui leur sont importants. Ce sont alors les répétitions et les conversations ensemble qui vont faire que le cadre sera bien acquis.
Du coup on voit bien que les erreurs classiques consistent à faire des règles de type dominant-dominé, impliquant une exigence d’obéissance à l’adulte, valables pour certains, mais pas pour tous, auxquelles les enfants peinent à se connecter, car les valeurs ne sont pas exprimées, ni conscientisées.
Vous expliquez également de façon très pertinente comment obtenir le respect de la part de nos enfants. Il ne s’agit pas de faire preuve d’autorité bête et méchante, mais de sortir de notre rôle de « serviteur ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cette réflexion est partie de mon expérience de maman quand nos enfants, pourtant élevés au biberon de la bienveillance éducative, se sont mis à défier notre autorité, nous provoquer et nous manquer de respect. Je me suis dit qu’un truc clochait et effectivement, un truc énorme clochait : nous faisions tout pour nos enfants et eux ne faisaient rien. Or, personne n’a de respect pour les serviteurs… de tout temps on a maltraité ce qui était au service d’autrui. Les raisons seraient à étudier ailleurs, mais en partant de ce constat, j’ai remis toute la famille au travail afin de vérifier si mon hypothèse était juste. Et oui, très rapidement, le respect est revenu à la maison.
Nous devons donc comprendre combien nous mettons en colère nos enfants à les limiter dans leur développement. Car, ce n’est pas un cadeau que de se sentir impotent, incapable, peu fiable, voire inutile. Pourtant, par notre attitude à toujours tout faire pour eux, c’est le message que nous leur donnons. En échange, ils nous maltraitent ! Le plus beau cadeau que nous puissions leur faire est de leur montrer à quel point nous les estimons, nous les respectons et les pensons compétents. En les faisant participer à la vie du foyer, nous leur donnons une place et une utilité dans cette famille. Ils peuvent se respecter eux-mêmes, se sentir dignes et également, prêts à nous respecter.
Je recommande donc à tous les parents de mettre leur enfant au travail ! Mais attention, ceci doit se faire avec certaines précautions dont je parle aussi dans mon livre.
Selon vous, permettre à l’enfant de gagner en autonomie est essentiel pour son bien-être, mais également pour celui de ses parents. Comment éviter d’entraver sa quête d’autonomie ?
Prenez le Terrible Two. Il s’agit en fait d’une énorme crise d’autonomie avec d’un côté un enfant qui voudrait faire par lui-même, mais n’en est pas encore vraiment capable, et de l’autre un parent qui ne veut pas perdre de temps et préfère empêcher l’enfant de faire plutôt que de l’accompagner et lui permettre de développer ses compétences.
Nous devons nous responsabiliser par rapport au rôle qui nous incombe de « transfert des compétences », de nous à nos enfants. Tout ce que nous faisons, ils veulent le faire, et nous devons le leur permettre chaque fois que possible. Alors on doit prendre le temps.
Quand notre enfant un matin nous dit « moi tout seul » pour mettre sa chaussure, cela veut dire qu’il va falloir que nous avancions de 10 minutes le moment de nous préparer pour permettre à notre enfant de mettre sa chaussure. Si il veut se verser de l’eau tout seul, nous allons devoir lui trouver un petit récipient et des verres pour s’entrainer. Quand il va toucher à la clé, nous allons devoir passer du temps avec lui pour lui apprendre à mettre la clé dans la serrure et la tourner dans un sens puis dans l’autre. Cela fait souvent peur aux parents.
Mais pensez toujours que le plus grand risque de noyade ce n’est pas avoir une piscine non sécurisée, c’est avoir un enfant qui ne sait pas nager. L’accompagnement plein de douceur du parent pour le développement de l’autonomie de son enfant, le protège et rend la relation plus intense.
L’avis de la rédaction
Charlotte Uvira, mère de deux enfants, formatrice et coach, pose un nouveau regard sur la parentalité positive. Tout en prônant la bienveillance, elle rappelle l’importance du cadre et incite le parent bienveillant à s’affirmer d’avantage. Le livre est clair, le ton ferme et enjoué. De nombreux exemples permettent de se projeter au quotidien en tant que « capitaine du navire familiale ». Charlotte Uvira donne des conseils immédiatement applicables. Ce livre est un coach à lui tout seul pour parents à la dérive. Il balaye les malentendus et résonne de bon sens au fil des pages. On l’attendait depuis longtemps !