Petit lion à la douce crinière, Maman t’a acheté le mois dernier pour me tenir compagnie. Elle a flâné dans les rayons, cherchant le compagnon idéal pour moi, celui qui veillerait sur mon sommeil pendant des années.
Je dois naître début Août, un Lion vigoureux d’après la dernière échographie que Maman a passé et où l’obstétricien a ri en me voyant m’agiter comme un poisson survolté confiné dans un bocal. Aussi, quand elle t’a vu avec ta crinière fournie et aux grands yeux protecteurs, elle a su que tu me protègerais.
Elle ne pouvait pas encore imaginer à ce moment-là que tu allais entrer dans ma vie bien plus tôt que prévu.
Une nuit à la fin du mois de mai, Maman se sent bizarre. Les contractions commencent et s’intensifient. Paniquée, elle réveille Papa et nous filons à vive allure vers les urgences de la maternité où l’issue des événements ne fait aucun doute : je vais naître prématurément.
Maman, forte jusque-là, réclame à chaudes larmes ce petit doudou qu’elle a tendrement choisi, toi, mon lion à la puissance de feu. Papa fonce te chercher, parce que ce n’est pas un caprice mais une nécessité pour Maman : elle se raccroche à ce moment où elle t’a choisi, quand tout allait bien. Elle voudrait changer le cours des choses mais c’est trop tard : je pousse mon premier cri…
Niché dans ma couveuse, tu veilles sur moi, mon doudou lion. Maman te berce chaque jour au creux de ses bras pour que tu t’imprègnes de son odeur et vient te remettre tout près de moi. Aussitôt que les effluves rassurants de Maman viennent doucement effleurer mon nez, je m’apaise. Elle est là, à travers toi.
Pour moi, tu n’es pas qu’une simple peluche. Tu es comme un ange-gardien qui me nourrit de ta force quand les heures de visite sont dépassées et que je me retrouve seul dans cet endroit austère où des bruits inquiétants peuplent mes nuits. Je sens ta présence, j’en ai besoin. Elle constitue ce lien entre le monde extérieur et le monde où j’ai été projeté violemment. Un univers de chaos où des alarmes sonnent tout le temps, où des inconnus me mettent des tuyaux bizarres dans mon corps. Je survis, porté par l’amour de Papa et Maman et parce que tu es à mes côtés, mon doudou.
En ce jour d’été, je quitte mon premier monde, celui que je n’aurais pas dû connaître. Maman me serre fort dans ses bras, Papa me sourit et toi, doudou Lion, tu continues à veiller sur moi.
Plus qu’un ami, tu as été cet allié fidèle qui m’a rassuré pendant ces semaines d’instabilité. Tu m’as bercé de ton odeur, insufflé l’envie de me battre car Papa et Maman vivaient à travers toi.
J’ai rejoint aujourd’hui ma chambre colorée aux allures de savane. Sur mon papier peint règne tes semblables, je les ai de suite adoptés. Mais bien sûr, tu restes le roi de ma jungle. Ensemble, nous avons survécu à un univers hostile. Ensemble, nous sommes plus forts.
À toi, mon doudou. Merci.